Forfait social et relations entreprises – salariés

De nos jours, la crise a des répercussions sur les entreprises et leur mode de fonctionnement.
En effet, le contexte actuel des entrepreneurs et des salariés est rythmé par de nombreuses incertitudes, économiques, politiques, sociales et fiscales. Les résultats de beaucoup d’entreprises en attestent : de nombreux marchés ou métiers sont « dans l’attente ».


Parmi ces interrogations se trouve le forfait social. La contribution demandée aux entreprises sur la participation ou l’intéressement est en constante évolution. Crée en 2008, il était d’abord fixé à 2%, avant de monter à 8%, et s’établit à 20% depuis le 1er août 2012.
Une hausse suffisamment conséquente pour, peut-être, remettre en cause certains accords entre les entreprises et leurs salariés. Pourtant, en cette période difficile, il est dans l’intérêt des entreprises de récompenser, motiver et fidéliser leurs salariés, notamment pour conserver leurs meilleurs éléments.

La taxation de la participation et l’intéressement est-elle de nature à remettre en cause les accords existants entre les entreprises et les salariés sur le partage des résultats ?

Pour mieux comprendre le problème, nous sommes allés à la rencontre d’un expert : Laurent Régny, professionnel de l’assurance de personnes. Il s’agit d’un courtier en assurances travaillant avec les entreprises. Sa  mission : obtenir les meilleures garanties possibles pour ses clients.

Rémi Giraudier : Pouvez-vous expliquer, de façon simplifiée, ce qu’est le forfait social ?

Laurent Régny : Le forfait social est une contribution sociale exclusivement patronale qui pèse sur les éléments de rémunération exonérés de cotisations de Sécurité Sociale.
C’est en tout cas la définition qu’en fait l’URSSAF.

En clair, l’affaire se joue en 3 temps :
Tout d’abord, les “politiques” créent un outil destiné à relancer l’économie ou à créer du partage des résultats dans l’entreprise (intéressement), ou à tenter de résoudre le problème annoncé des revenus de retraite (contrat retraite à cotisations définies) …
Deuxième temps, l’outil se met à bien fonctionner. Cela est logique, puisqu’il répond à une vraie problématique et commence à représenter des sommes non négligeables.
Alors intervient le troisième temps : “attirée” par une manne financière potentielle, la taxation s’alourdit et le met en danger.

RG : Le forfait social est taxé à 20% depuis le 1er août 2012, quelle répercussion cela peut-il avoir sur les entreprises ?

LR : 12% de plus !
Plus sérieusement, il y a 2 répercussions possibles :

La première est qu’une entreprise ne se gère pas « à vue ». Lorsqu’elle met en place un accord d’intéressement ou un contrat de retraite à cotisations définies, elle ne le fait pas à la légère car elle s’engage durablement. Le changement de règles fréquent, souvent dans le même sens, peut détourner les entreprises de la mise en place de process long terme, par manque de visibilité.

La seconde, dans le même état d’esprit, c’est qu’une entreprise bien gérée travaille sur des budgets. Une telle correction à la hausse doit se répercuter : soit sur la marge, soit sur les prix de vente, soit encore sur l’accord d’intéressement lui-même. Un certain nombre d’entreprises ont d’ores et déjà annoncé que le volume d’intéressement distribué baissera dans les mêmes proportions.

RG : Quel impact sur les salaires et sur les plans de rémunération ?

LR : Logiquement, si les entreprises supportent une charge supplémentaire sur la rémunération de leurs salariés au sens large, elles devront la répercuter. La concurrence est telle dans la plupart des secteurs que le faire sur les prix équivaudra à une perte immédiate de compétivitité. L’impacter sur les marges nécessitera d’en avoir suffisamment. Il est donc possible que les salaires et les plans de rémunération servent de variable d’ajustement.

Pour faire le bon choix, il faut faire preuve d’un peu d’objectivité. Entre la non imposition aux cotisations sociales obligatoires (hors CSG/RDS), l’exonération de l’impôt sur le revenu en cas d’investissement sur le Plan d’épargne (PEE ou PERCO) et le crédit d’impôt de 30% à la mise en place, les systèmes d’intéressement – participation – abondement bénéficient toujours d’un « frottement » fiscal et social excellent au regard de ce que subissent les salaires classiques.
De même pour le contrat de retraite par capitalisation qui, jusqu’ 5% de la rémunération, est totalement exonéré de charges sociales (hors CSG/RDS) et d’impôt jusqu’à 8%.

RG : Quel impact sur les négociations entrepreneurs – salariés ?

LR : Cela ne peut pas être favorable et apparaitre comme de l’amateurisme, tant dans son ampleur que dans son timing. C’est méconnaître la façon dont est gérée une entreprise que d’avaliser ce type de mesure.
De plus, un patron aura beau dire qu’il doit réduire la voilure sur un outil quelconque de rémunération, il sera toujours soupçonné de “tirer la couverture à lui”.
On risque de fragiliser encore davantage des entreprises déjà particulièrement exposées.

RG : Cette mesure a-t-elle déjà eu un impact sur le climat social dans les entreprises avec lesquelles vous travaillez ?

LR : Bien entendu !
Les Comités Centraux d’Entreprises y ont au moins gagné en animation …

RG : Comment vos clients réagissent quand vous les en informez ? En tiennent-ils compte pour adapter leur politique de rémunération ?

LR : Même si les chiffres, comme nous l’avons vu, doivent être relativisés, la « dureté » de la mesure et la récurrence de ce genre de changements ont de quoi impacter le moral des chefs d’entreprise.
La récurrence, parce que chaque jour apporte son lot de taxes, impôts et autres mesures souvent perçues comme décourageantes.
Les patrons se sentent aujourd’hui “montrés du doigt”, ceux qui réussissent sont “taxés” de profiteurs, ceux qui prennent des risques sont déconsidérés. Vous n’imaginez pas le nombre de chefs d’entreprise que je connais qui changent de voiture pour un modèle plus discret pour ne plus subir de critiques ou de rayures !

RG : En tant qu’expert, quels sont les conseils / recommandations que vous suggérez ou sur lesquelles vous travaillez en ce moment avec vos clients ?

LR : Les outils d’optimisation fiscaux et sociaux sont de plus en plus techniques.
Cependant, de réelles possibilités existent encore sans pour autant quitter le pays, ce que tout le monde ne peut pas ou ne veut pas faire.
Le premier conseil est de faire réaliser une étude par un professionnel pour « balayer » les options qui s’offrent à eux.
Le “millefeuille fiscal et social” est tel aujourd’hui qu’il est à la fois porteur de nombreux gisements pour qui saura l’utiliser … et potentiellement “destructeur” pour certaines entreprises.

RG: Merci Laurent REGNY.

Alors, quel sera l’impact réel de l’augmentation du forfait social sur la relation entreprises – salariés ?

C’est un sujet plus que jamais d’actualité, et une question qui mérite d’être posée.
Salariés, managers et chefs d’entreprise ont tout intérêt à se réunir pour en débattre.
La rémunération des salariés influence considérablement leur motivation.
En cette période compliquée, les entreprises doivent se donner les moyens de pouvoir compter sur leurs collaborateurs.

Tags , , , ,

Thierry Giraudier

Thierry Giraudier fonde BOOST UP en 2003. Professionnel de la relation client depuis plus de 30 ans, il a occupé les fonctions de Dirigeant, Manager, Consultant et Conseiller Financier dans les secteurs de la formation, du conseil et des services financiers. Depuis plus de 20 ans, il conçoit des formations pratiques, concrètes et opérationnelles, génératrices de résultats durables pour les clients de BOOST UP et leurs équipes.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *